Un soupir traverse mes lèvres alors que je gare ma voiture dans l’allée de cette maison qui va me paraitre bien vide sans mes filles. Je viens de mes déposer chez leur mère. Je ne les récupère pas avant la semaine suivante. Si au début c’était difficile, j’ai commencé à m’y faire et puis, ma maison n’est plus tout à fait vide après leur départ puisqu’un résident temporaire semble avoir fait de cet endroit sa résidence permanente.

Après avoir verrouillé la porte d’entrée, je range mes clés dans un tiroir du salon. Je dépose une pile de lettres sur un buffet, pour les trier plus tard avant de rejoindre la cuisine pour fixer le contenu du réfrigérateur puis des placards, à la recherche d’une idée de menu pour ce soir. Quand les filles sont là, je fais l’effort de cuisiner mais dès qu’elles retournent chez leur mère, j’ai tendance à me laisser aller à la facilité et ce soir, je risque de commander plutôt que de passer les prochaines heures aux fourneaux.

En entendant du bruit non loin de moi, je tourne le visage vers Jisoo et lui lance :
« Je ne sais pas comment tu as fait, mais tu les as conquises. »
Aussi bien Alexandra que Sophie. D’ailleurs il ne lui a pas fallu bien longtemps pour y arriver, même si je sens que ma fille cadette est distante avec moi depuis qu’elle sait pour nous, même si je ne sais pas très bien si ce nous est réel ni quelle définition lui donner. La version officielle est celle d’une histoire d’amour, la réalité est un peu différente.

Je m’écarte du réfrigérateur avec une bière à la main. J’en tends une à Jisoo, au cas où il voudrait me suivre. Quand les filles sont là, je ne bois pas une goutte d’alcool, mais puisque nous sommes seuls, je peux bien m’autoriser une bière avant qu’on ne décide de la suite du programme.

Ji Soo avait toujours su comment les gens, des hommes âgés aux jeunes adolescentes. Les filles de David ne faisaient pas exception. Malgré leurs quelques années de différences, le coréen pouvait sympathiser avec elles sur de nombreux points. Il avait même réussi à développer une certaine complicité avec la plus difficile des deux. Elle s’était montrée plutôt fermée à son égard, et ce, dès le départ, mais peu à peu, Ji Soo avait réussi à tomber dans ses bonnes grâces.

Alors qu’il se trouve seul dans la maison, David étant allé déposer ses filles chez leur mère, il en profite pour travailler sur son mémoire. Il est bien concentré lorsque l’homme revient et Ji Soo se lève pour aller le retrouver. Apparemment, il aurait conquis ses filles, ce qui ne le surprend pas. Un sourire satisfait et innocent apparaît sur son visage et il hausse les épaules avec une certaine nonchalance.

Je n’ai qu’à être moi-même. Ça a fonctionné avec toi aussi, non?

La preuve, depuis qu’il avait cessé de le menacer de manière active, David s’était détendu en sa présence au point où ils pouvaient réellement passer pour un couple aux yeux des gens. L’homme récupère une bière au réfrigérateur et en tend une à Ji Soo qui l’accepte.

Tu sais comment tu veux profiter de ta semaine maintenant qu’elles ne sont plus là?

Il lui offre un sourire rempli de sous-entendus, sachant que, si ils prétendent être amoureux le reste du temps, en intimité, ils peuvent se concentrer aux activités d’amants, tout simplement.

Il n’a qu’à être lui-même ? Vraiment ? Est-ce si simple ? Je me le demande, surtout maintenant que je connais ses deux facettes et ses deux visages. Jisoo sait être charmant et je l’ai toujours beaucoup aimé en tant qu’étudiant. Je crois qu’il était même mon étudiant préféré. Ce n’est pas un hasard si j’ai accepté d’être son directeur de mémoire. J’ai toujours aimé passer du temps avec lui, même si je reconnais que j’ai pu me montrer dur et sévère avec lui. Peut-être était-ce ma manière de l’encourager et de dissimuler le traitement de faveur auquel il avait le droit car soyons honnête, je lui ai toujours accordé plus d’importance et de temps qu’aux autres mais notre relation était platonique et elle le serait restée s’il n’avait pas commencé à me faire du chantage. Même sans ça, je l’aurais aidé de mon mieux mais à cause de ça, je l’ai laissé entrer dans ma vie d’une manière que je n’aurais jamais cru possible. Non, c’est plus que ça. Jisoo n’est pas seulement entré dans ma vie, il s’est aussi glissé dans mon lit et ce serait mentir que de dire que je n’aime pas ça. Aussi surprenant que ça puisse l’être j’y ai pris goût. Au début je me suis cherché des excuses mais à mesure où il a cessé de me menacer et qu’il a recommencé à se montrer charmant, mes dernières résistances ont cédé. Aujourd’hui encore, je sais que je devrais me méfier mais j’ai beau connaitre le démon qu’il lui arrive d’être, j’ai du mal à lui résister.
« Tu crois ? »
J’ai du mal à retenir un sourire. Résister devient de plus en plus difficile, à mesure que notre scénario officiel devient de plus en plus vrai dans les faits. Quand la fiction rejoint la réalité, il est difficile de faire la différence entre le vrai et le faux, si bien que notre couple fictif devient particulièrement réel dans l’intimité.

Quand il me demande comment je veux consacrer le reste de ma semaine, je prends un air détaché avant de lui répondre :
« Parce que j’ai le choix maintenant ? Je pensais que je devais consacrer tout mon temps à faire de toi un grand écrivain ? »
Il y a quelques semaines, mes paroles auraient été remplies d’amertume et de reproches, aujourd’hui ce n’est plus le cas. Disons que j’ai fini par trouver de nouveaux avantages à notre collaboration et puisque nous prétendons être ensemble et que Jisoo en a envie, pourquoi refuser de profiter de ce que cette situation peut m’offrir ? D’ailleurs, tout en buvant ma bière, je me rapproche de lui, effaçant petit à petit la distance qui nous sépare pour me planter devant lui.
« N’est-ce pas ce que je suis sensé faire ce soir ? A moins que tu n’ais autre chose de prévu ? »

Ji Soo avait vu une opportunité inégalable en voyant David lui donner autant d’attention. Bien plus qu’aux autres élèves. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il avait commencé à l’observé en dehors des murs de l’établissement pour découvrir que l’homme cachait quelques secrets. Des secrets que le coréen n’hésitait pas à utiliser contre lui pour en obtenir davantage. Mais depuis, leur relation avait évoluée. Ils étaient devenus amants et avaient même développé une fausse relation aux yeux des gens, même devant les propres filles de David. Ce dernier le questionne d’ailleurs à savoir comment il a réussi à les conquérir. Ça n’avait pas été bien compliqué vu le peu d’années qui le séparaient d’elles mais il se contente de répondre qu’il n’avait eu qu’à être lui-même, une vérité en soit.

Le coréen questionne ensuite David à savoir comment il comptait occuper le reste de sa semaine. Il ne lui donne pas la réponse désirée mais c’était attendu. Il était visiblement encore amer de l’emprise qu’avait Ji Soo sur lui. Ça ne sonne pourtant pas comme un reproche cette fois-ci.

Justement, comment comptes-tu t’y prendre?

Il lui sourit innocemment alors que l’homme s’approche de lui. Les paroles de ce dernier semblent contenir quelques sous-entendus et Ji Soo glisse ses mains sur sa taille pour coller son corps au sien.

Je n’ai rien d’autre de prévu que toi. Il y a un évènement quelconque? Ou alors, tu as l’intention de me servir d’inspiration?

« Comment est-ce que je compte m’y prendre ? Je me le demande… »
Un sourire trahit mes paroles alors que Jisoo pose ses mains sur ma taille, rapprochant ainsi nos corps jusqu’à ce que le mien le fasse reculer jusqu’au plan de travail derrière lui. J’y pose ma bière avant de répondre à sa question suivante :
« Je n’ai pas d’évènement programmé pour ce soir. Pourquoi, tu n’en as pas marre de t’afficher avec moi ? Je crois que tout le monde sait que nous sortons ensemble. »
Mon visage est si proche du sien que nous pouvons sentir nos souffles mutuels effleurer notre peau. Ce serait mentir que de dire que je n’ai pas envie de lui. Ça n’a pas été simple de l’admettre mais les actes parlent souvent d’eux-mêmes et la nuit que nous avons passée ensemble, la toute première, en est la preuve.
« En revanche, tu m’as donné de la lecture dernièrement et je n’ai pas encore pu m’y mettre. Je pourrais le faire ce soir… avec un peu d’encouragement. »
Mes lèvres effleurent les siennes sans s’y poser. C’est un peu frustrant pour moi et je suis certain que ça l’est aussi pour lui mais j’aime l’idée de le provoquer un peu. Dans un sens c’est un juste retour des choses.
« A moins que tu n’ais envie d’autre chose ? »
Sans lui laisser le temps de me répondre, je soude nos lèvres, forçant un peu le passage afin d’approfondir notre baiser.

Ji Soo se doutait bien que David n’avait pas une idée précise sur la façon dont il allait faire de lui un grand écrivain mais ça n’avait aucune importance. Il finirait par trouver comment et puis, le simple fait de s’afficher ensemble lui permettait déjà une certaine reconnaissance avant même qu’il n’ait publiée quoi que ce soit. Il retourne le sourire de l’homme en entendant sa question. Bien sûr, leur relation n’était plus un secret pour qui que ce soit mais il se trompait en supposant que le coréen pouvait déjà être lassé. Il ne le serait pas tant qu’il n’avait pas retiré tout ce qu’il pouvait de celle-ci.

Je ne suis pas encore lassé non…

Leurs visages sont très près l’un de l’autre et leurs lèvres se touchent presque alors qu’il prononce ces paroles. Les mains de Ji Soo se contentent elles aussi d’effleurer le corps de David sans le toucher réellement. Pour une fois, il veut voir qu’elles sont les limites de l’homme puisque jusqu’à maintenant, c’est toujours l’étudiant qui s’est imposé.

Quel genre d’encouragement?

C’est vrai qu’il avait eu un peu d’inspiration dernièrement et il était plutôt fier de ce qu’il avait écrit. Enfin, David décide de poser ses lèvres sur les siennes et il n’en faut pas plus pour que Ji Soo pose fermement ses mains sur sa taille en approfondissant le baiser. Sa langue se glisse entre les lèvres de l’autre homme et il ne s’éloigne que lorsque l’air vient à manquer.

Tu as besoin d’encouragement et moi d’inspiration. Je pense qu’on peut se donner un petit coup de main.

Si on m’avait dit il y a quelques temps que j’embrasserais Jisoo avec autant de fougue et que sentir sa langue contre la mienne ferait réagir de cette manière mon entrejambe, je ne l’aurais pas cru. Mais j’ai aimé ce que nous avons fait la première fois et les suivantes. Suffisamment pour me montrer entreprenant ce soir lorsque je le coince entre moi et le plan de travailler derrière lui. Ses mains se sont posées sur ma taille alors que les miennes ont déjà glissé sous son t-shirt, dans son dos et sur son ventre, caressant sa peau alors que mes lèvres restent proches des siennes lorsqu’il s’adresse à nouveau à moi :
« Et moi je pensais à autre chose qu’un coup de main. »
Sur ces mots, je relève son t-shirt pour l’obliger à le retirer avant que je niche mon visage dans le creux de son cou. J’en respire son parfum tout en pressant mon bassin contre le sien. J’ai été contraint à l’accepter dans ma vie mais finalement, j’y trouve aussi mon compte même si ma réputation a pu en prendre un coup, ce qui paradoxalement a donné à mes romans les plus anciens sur le marché, un souffle nouveau. Les gens aiment les histoires indécentes. Celle que je vis avec Jisoo, mon étudiant, les rends curieux de mon travail et j’imagine que ça sera également son cas quand il publiera son premier roman. Ce dernier est encore en travail mais nous y reviendrons plus tard. Après qu’il m’ait offert de l’encouragement pour le lire et moi de l’inspiration pour qu’il e, écrive les prochains chapitres.

Mes dents se referment sur sa peau que je marque longuement avant de venir murmurer dans le creux de son oreille :
« Et si tu t’installais sur le plan de travail ? »
Bien sûr, je l’y aiderais tout comme je me ferais une joie de le débarrasser du reste de ses vêtements. De toute façon, nous sommes désormais seuls donc nous pouvons nous permettre de le faire ici sans craindre d’être surpris par qui que ce soit.