Je ne peux pas m’empêcher de me crisper légèrement lorsqu’il précise que je suis son directeur de mémoire. Présenter de cette façon, tout est si indécent entre nous. Pourtant je sais que je ne fais rien de mal. Il n’y a rien entre Jisoo et moi. Tout ça n’est qu’une sombre comédie mais qui le sait en dehors de lui et de moi ? Personne. Aux yeux de tous, je serais désormais cet auteur à succès qui après son divorce, n’a rien trouvé de mieux que de noyer son chagrin en courant après son étudiant. Je ne pensais pas qu’un jour une telle chose m’arriverais mais pour le moment j’ai bien d’autres problèmes en tête. Entre Nigthmare et Jisoo, j’ai fort à faire en matière de chantage. Quoiqu’avec un peu chance, après ça l’entité qui rode dans cette ville me laissera peut-être en paix. Quant à Jisoo, je finirais bien par trouver un moyen de me débarrasser de lui ou plutôt de son odieux chantage.

Je retiens un soupir lorsque Jisoo parle du potentiel que j’ai pu déceler chez lui. Il est vrai que son travail a toujours eu le droit à mon attention mais depuis qu’il me fait chanter, je n’arrive plus à le regarder objectivement. D’ailleurs avant qu’il n’en dise trop, je finis par le couper en m’adressant directement à Marc :
« Ne nous en veux pas mais je commence à fatiguer. Mes anti-douleurs m’assomment et je crois qu’il est temps que je rentre. »
Marc comprend rapidement qu’il est de trop. A son regard je devine que j’aurais à satisfaire sa curiosité la prochaine fois qu’on se retrouvera en tête à tête. La perspective d’avoir à lui parler de Jisoo ne me réjouit pas mais aurais-je vraiment le choix ? Non et pourtant j’ai l’impression que plus le temps passe, plus mon cas s’aggrave.

Une fois Marc partit, je me tourne vers Jisoo et lui dit :
« Rentrons, je commence à en avoir marre de tout ça. »
Il a déjà ma clé de voiture, qu’il la déverrouille et prenne le volant car j’ai hâte de rentrer. A cet instant je n’ai envie que d’une chose, prendre une douche et me reposer. Peut-être déprimer un peu à cause de tout ce qui s’est passé ce soir.

Ji Soo sent le corps de David se crisper près du sien et son sourire ne fait que s'aggrandir davantage. Il est évident que l'écrivain aurait préféré éviter cette rencontre, surtout à ce moment précis, alors que les soupçons concernant leur relation se dissipaient peu à peu pour laisser voir un portrait peu flatteur d'une relation qui n'a rien de raisonnable. L'étudiant en profite d'ailleurs pour se tailler une place un peu plus important aux côtés de David, faisant en sorte que ce dernier ne puisse pas nier l'attention qu'il lui porte par obligation. Il n'a pourtant pas le temps de s'éterniser sur ce point puisque le professeur l'interrompt pour annoncer qu'il est fatigué et n'a qu'une seule envie, rentrer chez lui. Ji Soo lance un regard faussement complice à son éditeur, qui, surpris, semble maintenant avoir une bonne raison de lire entre les lignes de cette excuse que vient de leur servir David.

Je me suis porté volontaire pour l'accompagner et servir de chauffeur alors vous nous excuserez... Ravi de vous avoir rencontré.

Il offre son plus beau sourire à l'homme qui s'éloigne après les avoir salué. Ji Soo récupère les clés de la voiture dans ses poches et hausse vaguement les épaules en entendant la remarque de David, prenant place derrière le volant.

C'est toi qui m'a invité à cette soirée pourtant.

Il attend que l'homme ait bouclé sa ceinture de sécurité avant de démarrer et prendre la direction de sa maison où il l'avait rejoint un peu plus tôt.

Je dois avouer m'être amusé plus que je ne l'aurais cru.

Malgré moi, ma mâchoire se crispe légèrement lorsque Jisoo s’adresse à Marc pour lui expliquer qu’il doit y aller lui aussi et pourquoi. J’ai beau me répéter que je suis le seul responsable de ce qui se passe, je n’arrive pas à m’empêcher de lui en vouloir. Comme toujours, Jisoo fait naitre en moi une colère que j’ai du mal à contenir. Je pensais avoir réussi à passer outre ce sentiment et à être de marbre face à son petit manège mais force est de constater qu’il a un effet indéniable sur moi. Peut-être pas celui qu’il recherche. Quoiqu’au fond, je ne sais pas vraiment ce qu’il veut vraiment. Ses intentions à mon égare ne sont pas claires et je ne peux croire qu’il fasse ça uniquement pour avoir une chance d’être un jour publier. Quant à son diplôme, avec ou sans moi, il l’aura quand même.

Fatigué, j’essaie de chasser toutes ces pensées de mon esprit. Ça ne sert à rien que je me tourmente de cette manière. Ce qui est fait, est fait. Je ne pourrais rien y faire. Tout ce que je peux faire désormais, c’est rentrer chez moi et espérer que Nightmare me laissera tranquille. J’ai suffisamment à faire avec Jisoo comme ça.

Une fois dans la voiture, je garde le silence, du moins au début. Appuyé contre ma portière, le front contre la vitre, j’observe le paysage qui défile alors que Jisoo prend la direction de chez moi. Un soupir traverse mes lèvres et je lui réponds :
« C’est le plus important. C’est pour ça que je t’ai emmené avec moi. Pour te prouver ma bonne foi. Maintenant tu arrêteras peut-être de me menacer inutilement. Je te donnerais ce que tu veux. Ensuite, tu me laisseras tranquille. »
J’aimerais croire que ce soit possible mais pour avoir écrit un certain nombre de roman policier, je suis bien placé pour savoir que certains maitre-chanteur ne sont jamais satisfait car ce qui leur plait le plus, c’est le pouvoir que leur chantage leur offre. Est-ce que Jisoo appartient à cette catégorie ? Je n’en sais rien mais j’imagine que je le saurais tôt ou tard.

Le trajet retour ne dure que quelques minutes. A peine le temps pour qu’on s’échange quelques mots. Une fois la voiture garée dans l’allée, je défais ma ceinture et quitte la voiture tout en cherchant les clés pour déverrouiller ma porte. Je mets la main sur le trousseau mais j’ai du mal à attraper la bonne clé et voilà que le tout tombe au sol alors qu’un juron s’échappe de mes lèvres. Quelle maudite soirée !

Ji Soo était parfaitement conscient de l'effet qu'il avait sur David. Ce dernier entrenait une colère pour lui qu'il s'amusait à nourrir tout en sachant que, non seulement l'homme avait besoin de lui, mais qu'il ne pouvait pas se permettre de se débarrasser de lui si facilement, au risque de perdre tout ce qu'il possède. Alors qu'ils sont en route, en direction de la maison de David, le silence plane mais ça n'embête absolument pas le coréen qui conserve la lueur d'un sourire amusé sur son visage. Ce n'est qu'au bout d'un long moment que le professeur prend finalement la parole, répondant à son commentaire concernant la soirée qui ne lui a pas déplu, contrairement à ce qu'il aurait cru. Son sourire s'aggrandit face aux espoirs de David et il secoue légèrement la tête.

Ta bonne foi? Tu avais l'intention de me coincer à mon propre jeu et, en plus, tu m'as entraîné dans cette histoire de vandalisme sans me donner une seule explication.

Il lui jette un rapide regard du coin de l'oeil avant de poursuivre:

Je suis désolé que tu me vois de cette façon alors que je nous voit plutôt comme de... Bons partenaires.

Il lui laisse interpréter ces paroles à sa façon, n'ajoutant rien de plus. Ils arrivent finalement à destination et Ji Soo coupe le contact de la voiture avant de sortir. Il observe David se débattre pour retrouver ses clés qui tombent sur le sol et, en voyant sa frustration, il ne peut s'empêcher d'émettre un léger rire avant de les récupérer lui-même sur le sol pour les lui tendre.

Ne te met pas dans cet état, je suis là pour t'aider, non? Visiblement, tu en as bien besoin.

C’est Jisoo qui ramasse mes clés avant que je ne le fasse, me rappelant que c’est moi qui à l’origine ai sollicité son aide. Je fixe un instant mes clés mais ne les prends pas et me contente de lui dire :
« Dans ce cas, ouvre-nous. Il faut bien que tu t’y habitues. »
Un léger sourire se dessine sur mes lèvres alors que différents sentiments m’envahissent. Résignassions, amusement et certainement encore bien d’autres... Jisoo me fera passer par tous les états. D’ailleurs je repense à ce qu’il m’a dit un peu plus tôt. Nous sommes partenaires, hein ? Mais quel genre de partenaire au juste ? Je me le demande.
La porte s’ouvre et j’entre avant de me déchausser, allumant l’entrée et le salon avec ma main valide.
« Je vais avoir besoin de ton aide pour me déshabiller mais avant prenons un verre. »
Sans attendre sa réponse, je passe dans la cuisine pour récupérer une bouteille de whisky que je coince sous mon bras blessé et deux verres. Je ne compte pas boire seul. Je ne compte pas non plus me saouler mais j’ai besoin d’au moins un verre pour me remettre de mes émotions de la soirée. Et cette dernière était bien plus mouvementée que ce que j’avais imaginé. D’ailleurs j’ai abandonné ma veste quelque part entre le salon et la cuisine. Je m’en occuperais demain. Là j’ai besoin de me poser un instant pour relâcher la pression.
Je pose les verres et le whisky sur la table basse puis m’installe dans le canapé et m’adresse enfin à Jisoo :
« Serre nous. Ensuite, on fera ce que tu voudras. »
Travailler sur son mémoire ou sur un éventuel manuscrit. Après tout, je m’y étais engagé et je compte bien respecter ma parole.

Le sourire ne quitte pas le visage de Ji Soo lorsque David lui mentionne de s'habituer à leur ouvrir la porte. Il se doute bien que ce n'est pas ainsi qu'il gagnera la confiance de l'homme même s'il n'a pas d'autres choix que de se fier à lui pour de telles banalités. Il ne tarde donc pas à glisser la clé dans leur serrure et ouvrir la porte, faisant signe à David de passer devant lui. Après tout, il s'agit de sa maison et il est celui étant blessé.  Il dépose ensuite les clés sur le meuble situé dans l'entrée et retire ses chaussures, comme tout bon coréen, avant de suivre l'homme à l'intérieur. Ce dernier mentionne avoir besoin de son aide pour se dévêtir ce dont Ji Soo se doutait déjà mais il était surpris de constater que David s'y résignait si facilement. Il aurait plutôt cru qu'il tenterait de se débrouiller seul. Mais ce qui le surprenait davantage, c'était qu'il désire boire avant tout. Ne se rapellait-il donc pas les derniers évènements et l'aveu de Ji Soo qui n'avait toujours pas démentit son mensonge. Mais avant qu'il n'ait le temps de répondre quoi que ce soit, le professeur disparaît à la cuisine pour revenir avec une bouteille de whisky et deux verres.

Tu es certain de pouvoir tenir l'alcool dans ton état?

Sans compter qu'il prenait peut-être des anti-douleurs pouvant intéragir avec l'alcool. Mais David était un grand garçon, Ji Soo n'avait pas l'intention d'insister s'il décidait de boire malgré tout. Haussant les épaules, il prend donc la bouteille, versant une petite quantité du liquide dans chacun des verres. Le coréen n'étant pas un grand buveur alors il n'avait pas l'intention de les enchaîner, surtout pas s'il voulait garder un certain contrôle sur la situation.

Ce que je veux? Et si tu m'expliquais un peu de quoi il s'agissait, dans le bureau du maire?

Si je suis certain de pouvoir boire de l’alcool ? Je crois qu’au point où on en est, on s’en fiche non ? Qu’il ne me fasse pas croire qu’il s’inquiète réellement pour moi, même si alcool et médicament ne font pas vraiment bon ménage. Cela étant dit, à cet instant je m’en fiche complètement. J’ai besoin d’un verre et je l’aurais. Jisoo doit certainement le comprendre car il nous sert et je me penche pour récupérer mon verre que je porte immédiatement à mes lèvres alors qu’il m’interroge sur ce qui vient de se passer cette nuit. Un léger sourire se dessine sur mes lèvres avant que je ne lui dise :
« On fera tout ce que tu voudras et on parlera de n’importe quoi sauf de ça. »
Jisoo est peut-être une épine dans mon pied mais Nightmare est sans doute bien pire alors je préfère contrarier le moins dangereux des deux. D’autant plus qu’après cette nuit, il ne devrait plus m’ennuyer.
« Écoute Jisoo, c’était la première fois et la dernière fois que je te mêlais à ce genre de chose. Je devais rendre un service à quelqu’un. Pour ton bien, moins tu en sauras, mieux ça vaudra. Et crois-moi, je ne souhaite pas à mon pire ennemi d’être en mauvais terme avec la personne pour qui j’ai fait ça. »
Et je n’en dirais pas plus. D’ailleurs pour changer de sujet, je reprends :
« Il y a une chambre d’ami où tu pourras dormir mais tu devras te débrouiller pour préparer ton lit. Vu mon état, c’est compliqué de mettre des draps. »
Je désigne mon bras invalide avant de finir mon verre pour le poser sur la table basse.

David ne semble pas se soucier des potentielles conséquences venant avec le fait de mélanger alcool et médicaments. Même sans les médicaments, il avait prouvé au moins une fois que lui et l'alcool ne faisaient pas bon ménage. Ji Soo, quant à lui, buvait toujours modestement à un rythme lent pour éviter de perdre le contrôle. Alors que le professeur n'hésite pas à boire une longue gorgée de son verre, lui se contente d'y tremper ses lèvres, soupirant longuement en entendant la réponse de l'homme. Il essayait de garder une partie de son jardin secret, à croire qu'il ne connaissait pas encore la volonté de Ji Soo pour obtenir toutes les informations désirées.

Si tu insistes, je devrais me renseigner ailleurs.

Peut-être que cette phrase travaille l'esprit de David parce qu'il ajoute quelques informations concernant un supposé service qu'il devait à quelqu'un et qu'il vaut mieux pour tout le monde que ça reste secret. Un sourire en coin apparaît sur le visage de Ji Soo.

Tu as donc plusieurs ennemis.

Bien qu'il ne se considère pas comme tel, David le voit sans doute sous un oeil différent. Il prend finalement une gorgée de son verre qu'il redépose ensuite.

Et si tu as besoin de moi? Ce ne serait pas préférable que je reste près?

Qu’il aille donc se renseigner ailleurs. Il finira tôt ou tard par entendre parler de Nightmare, cette chose qui hante Roselake et qui se nourrit des secrets de ses habitants. Je ne crois pas aux fantômes ni au surnaturel mais une chose est certaine, je ne veux pas savoir qui ou quoi se cache derrière ce pseudo. Ceux qui ont eu le malheur d’un peu trop s’y intéresser ont mal fini et j’ai suffisamment de problème à gérer pour le moment comme ça.

Nightmare quitte rapidement mes pensées quand Jisoo me laisse entendre qu’il préférait dormir avec moi. J’arque un sourcil de surprise avant d’éclater de rire.
« Jisoo, tu n’es pas sérieux ? »
Il ne peut pas l’être. Quoi qu’il se soit passé entre nous dans sa chambre au campus…, disons que ça ne se reproduira pas même si j’ai encore du mal à croire que j’ai pu coucher avec un homme. D’ailleurs je ne sais toujours pas quoi en penser et je ne préfère pas y réfléchir.
« Tu voudrais qu’on dorme ensemble ? Est-ce que je te plais à ce point ? C’est ce genre de relation qui te fait envie ? Je pensais que je ne t’intéressais que pour t’aider à décrocher facilement ton diplôme et pour te faire publier. »
Je ne sais pas si je dois être choqué ou flatté. Tout ce que je sais, c’est que je trouve cette situation amusante mais j’imagine que c’est le mélange d’alcool et de médicament qui me rend si euphorique et prompt à rire d’une chose qui pourrait me couter ma carrière et ma réputation.

Ji Soo ne répond rien lorsque David lui demande s'il est sérieux. Il ne voit absolument pas comment sa question peut lui sembler aussi absurde. S'il dort dans une chambre séparée, il risque de ne pas savoir si, ou quand, le professeur a besoin de son aide. Ce dernier semble pourtant trouver sa question particulièrement amusante et le coréen comprend rapidement pourquoi. Un nouveau sourire apparaît finalement sur son visage alors qu'il constate que David a interprété sa question assez librement, comme s'il sous-entendait que son but était qu'ils dorment dans le même lit. Comme l'homme semble plus amusé que choqué, Ji Soo en profite pour creuser davantage, s'approchant légèrement de lui.

Je n'ai pas mentionné dormir ensemble mais j'imagine que l'idée t'a effleuré l'esprit puisque c'est la première chose que que tu insinues.

Il penche la tête sur le côté avant de poursuivre:

Après tout, ça ne serait pas notre première nuit dans le même lit, même si tu ne gardes aucun souvenir de la dernière fois.

Ji Soo continue de le narguer avec son sourire, évitant de répondre à ses questions concernant le genre de relation qu'il désire. En fait, il cherche simplement à s'immiscer dans sa vie, peu importe de quelle façon. S'il peut se faufiler dans son lit par la même occasion, ça ne lui déplairait certainement pas. Un homme hétérosexuel qui était tout récemment marié à une femme avait quelque chose de particulièrement intriguant.


Et si tu as besoin de moi? Ce ne serait pas préférable que je reste près?

On dirait que j’ai tiré des conclusions trop vite et Jisoo en profite pour s’engouffrer dans la brèche. Le moins que je puisse dire, c’est qu’il sait manier à la perfection le verbe. S’il mettait autant d’énergie et de créativité dans ses écrits, il pourrait devenir un très bon écrivain. Malheureusement Jisoo cherche trop souvent la facilité. Pour lui, tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins. Une manière de vivre qui ne me correspond absolument pas. Nous sommes très différents lui et moi. Pourtant, nous voilà lié pour le meilleur et pour le pire. C’est ironique n’est-ce pas ? Notre petit arrangement ressemble presque à un contrat de mariage.

Jisoo se rapproche de moi mais je n’y prête pas vraiment attention. Je me contente de boire avant de lui répondre :
« Dors où tu veux je m’en fiche mais ne crois pas qu’il se passera quoi que ce soit entre nous. Les hommes ne m’intéressent pas. Je suis hétérosexuel Jisoo. »
C’est vite dit. Je n’ai connu qu’une seule femme dans ma vie. Celle que j’ai épousé. Je ne me suis encore jamais intéressé à qui que ce soit d’autres mais je crois que c’est suffisant pour définir mon inclinaison sexuelle. Du moins à mes yeux.

Je me penche vers la table basse pour y poser mon verre vide. Je crois qu’il est plus prudent d’en rester là ce soir. Je relève ensuite les yeux vers Jisoo et lui dit :
« Je vais avoir besoin de ton aide pour me changer. Je peux compter sur toi pour ne pas en profiter ? »
Je ne sais pas très bien pourquoi je ressens le besoin de lui préciser ça. Peut-être parce que je ne lui fais pas confiance. Difficile de le faire quand on sait qu’il me fait chanter. Et puis ce qui s’est passé ou non dans sa chambre au campus m’interroge toujours. Ce n’est pas clair et je sais que je ne peux pas croire tout ce qu’il me dit. Cela dit, ne dit-on pas qu’il vaut mieux garder ses ennemis au plus près ? C’est ce que je fais en gardant Jisoo ici.

Un nouveau sourire apparaît sur le visage de Ji Soo alors qu'il s'appuie plus confortablement dans le canapé, reprenant une gorgée de son verre. Il sait très bien que David n'est pas intéressé par lui, du moins, pas sur le plan physique ou émotionnel. Il était marié jusqu'à très récemment et n'indiquait aucun signe d'être attiré par qui que ce soit d'autre que son ex femme. Pourtant, il ne semblait plus remettre en doute ce qui s'était passé l'autre nuit entre eux, même s'il s'agissait bel et bien d'une pure invention de la part de Ji Soo. Il n'allait pas lui révéler la vérité pour l'instant, préférant encore utiliser cette carte.

Ce n'est pas ce que tu disais la dernière fois où tu as bu en ma compagnie. Peut-être que c'est justement l'alcool qui te rend plus... Authentique?

De toute façon, le but ultime de Ji Soo n'était pas de se glisser dans le lit de David mais plutôt de faire de lui un mentor dévoué capable de lui ouvrir toutes les portes possibles pour s'assurer un bel avenir dans le domaine littéraire. Son professeur termine rapidement son verre et Ji Soo l'imite lorsqu'il le dépose sur le table, bien que le sien ne soit qu'à moitié entamé.

En profiter pour quoi exactement? Après tout, c'est toi qui m'a invité à cette soirée ainsi qu'à rester à tes côtés pour m'occuper de toi parce que tu es blessé. S'il y en a un qui risque d'en profiter, ce n'est pas moi.

Et voilà comment retourner l'accusation contre l'accusateur. David sait très bien que Ji Soo peut facilement rendre chaque situation à son avantage, ce pourquoi son sourire ne le quitte pas.

Tu veux un autre verre peut-être?

Jisoo est épuisant psychologiquement. Il a réponse à tout mais surtout, il a l’art et la manière de retourner n’importe quelle situation à son avantage. Il n’y a qu’à l’écouter pour s’en persuader. Voilà pourquoi je ne pourrais jamais lui faire confiance.
« N’essaie pas de me faire boire, Jisoo. Je crois qu’il serait plus raisonnable pour moi d’en rester là. »
Surtout avec les médicaments que j’ai pris un peu plus tôt.
« Et non, l’alcool ne me rend pas plus authentique. Je ne sais pas ce qui s’est passé entre nous mais ça ne se reproduira plus. Mais ne te gêne pas pour moi. Bois, si ça te fait du bien. »
Je m’extrais du canapé puis lui fais signe de me suivre dans ma chambre pour qu’il m’aide à me changer. Je ne sais pas comment j’ai fait pour enfiler tout seul cette chemise mais je ne me sens pas le courage de lutter avec pour m’en débarrasser. Alors autant profiter de sa présence pour rendre mon existence plus facile, le temps que mon bras se rétablisse.

En me levant, je constate que j’ai la tête qui tourne un peu. J’imagine que l’alcool n’y est pas étranger. L’adrénaline de la soirée non plus, sans oublier les fameux anti-douleurs. Je presse la poignée de la porte de ma chambre et y entre, pressant au passage l’interrupteur pour qu’on puisse y voir un peu mieux. En son temps, cette pièce était la chambre conjugale et parentale. Désormais, elle est ma chambre à moi tout seul. Il serait mentir que de dire que la solitude ne me pèse pas mais plus que jamais ce n’est pas le moment de chercher à combler ce manque. Pas avec Jisoo dans les pattes.

Je me tourne vers lui et lui montre les boutons de ma chemise en lui disant :
« Je te laisse faire. Tu as l’air d’aimer ça. »
Puisqu’il n’est pas plus choqué que ça par notre soi-disant nuit. Ce qui dans le fond me rend quand même un peu curieux.
« Ce n’était pas ta première nuit avec un homme, n’est-ce pas ? »

Lorsqu'il ne s'agissait pas d'une proposition de Ji Soo, David n'hésitait pas à se servir un verre mais dès que le coréen le lui offrait, il trouvait subitement plus sage de refuser. Cet esprit de contradiction amusait l'étudiant qui ne lui aurait sans doute pas servit un autre verre, même s'il l'avait accepté. Après tout, il était important de bien jouer ses cartes et ce n'était pas en lui faisant perdre la tête avec un mélange d'alcool et de médicament qu'il réussirait son coup à plus long terme.

C'est plus sage en effet.

De toute façon, Ji Soo sait très bien qu'il ne s'est rien passé entre eux, ce qui ne l'empêche pas de s'amuser en laissant planer le doute pour David. Ce dernier semblait déjà avoir accepté les évènements mais n'avait pas l'intention de se raffraichir la mémoire en reproduisant ce qui s'était hypothétiquement passé entre eux cette nuit-là.

Je n'aime pas boire seul.

Excuse facile qui lui permet de délaisser son verre alors qu'il se lève pour suivre David suite à son invitation. L'homme ne semble pas particulièrement stable sur ses jambes mais Ji Soo n'intervient pas immédiatement se doutant qu'il allait sans doute le repousser sous prétexte qu'il pouvait toujours se déplacer seul.

Ils se retrouvent rapidement dans la chambre de David et Ji Soo feint un désintérêt marqué pour les lieux alors qu'il pose son regard sur la chemise du professeur qui a sa façon bien à lui de demander son aide. Un sourire amusé apparaît sur son visage alors qu'il s'approche plus que nécessaire pour déboutonner sa chemise en commençant par le haut.

Pourtant, tu n'as aucun souvenir de la soirée. Si ça se trouve, tu as retiré tes vêtements par toi-même avant de t'attaquer aux miens.

Il laisse échapper un léger rire avant de demander:

Qu'est-ce qui te fait croire que ce n'était ma première fois avec un homme? Ferais-tu semblant d'avoir oublié ce qui s'est passé entre nous alors qu'en réalité, tu te souviens de très bien de ce que j'ai fais?... De ce que nous avons fait?

Un soupir m’échappe alors que Jisoo s’approche un peu trop près de moi. Avait-il vraiment besoin de créer une telle intimité entre nous pour déboutonner ma chemise ? Ce n’est pas comme si nous nous apprêtions à faire l’amour et pourtant, je ne peux m’empêcher de sentir un certain inconfort me gagner. C’est certainement pour cette raison que mon rythme cardiaque augmente alors que je détourne les yeux, incapable de soutenir son regard. Je n’ai pas non plus envie de le croiser alors que nous nous tenons si près l’un de l’autre. Et puis il y a ce qu’il me dit et qui n’a aucun sens dans mon esprit. Moi ? Lui retirer ses vêtements ? Impossible. Je peux admettre qu’il se soit passé quelque chose entre nous, mais pas que j’en sois l’instigateur.
« Cesse de jouer avec moi de cette manière. »
Et comme pour appuyer mes propos, je piège sa main dans la mienne avant de reprendre :
« Je n’ai aucun souvenir de ce que nous avons fait. Je ne sais même pas si tout ce que tu me racontes est vrai mais puisque tu veux être romancier et que tu m’as l’air d’être bon menteur, vas-y. Raconte-moi ce qui s’est passé entre nous selon tes soi-disant souvenirs. »
Je lâche sa main et le laisse finir d’ouvrir ma chemise. Après tout, nous n’allons pas y passer toute la nuit, même si la situation a quelque chose d’étrange.